Selon la tradition orale, le Libel consiste en biens constitués depuis le XVe. siècle en “communaux” à partir d’un acte de donation de la Duchesse Jeanne de Brabant.
Il s’agirait de “60 bonniers” auxquels une charte de 1404 donne “destination consacrée”… Cet acte porte cession de droits sur les fonds constitués, aux habitants de Hèze. Ce statut foncier préserve l’intégrité du bien : 47 hectares de bois, de bruyères et de terres, qui a conservé depuis 600 ans ses caractéristiques. (cfr. Annexe 1 - Rapport du Conseil d’État 1979 “Requête des habitants”)
La Duchesse Jeanne de Brabant (1322-1406), épouse en première
noce Guillaume II Comte de Hainaut, puis en deuxième noce
Venceslas I de Bohème, Duc de Luxembourg. Deux fois veuve et
sans descendance, elle hérite en 1355 du duché de Brabant de son
père Jean III Duc de brabant et de Limbourg. Les raisons pour
lesquelles la Duchesse de Brabant fit un tel don aux habitants
d’un misérable hameau restent obscures. “Libele”, du latin
libellus (petit livre) signifie en ancien français
“demande en justice”.
S’agissait-il d’un remerciement pour
un service rendu, ou d’un avantage assorti d’une
charge (entretien des voies de communication) ?
Le fait
reste néanmoins exceptionnel et unique en Belgique.
Jules Tarlier et Alphonse Wauters, dans “Géographie et Histoire des communes belges” (Province de Brabant, canton de Wavre - Decq Editeurs, 1864) nous apportent les précisions suivantes :
« Il existe, au hameau de Hèze, une communauté qui est, en Brabant, la seule de son genre. Les habitants de cette localité ont, de temps immémorial (en vertu d’une charte de la duchesse Jeanne, si ce que l’on nous a dit est exact), la propriété d’une partie de terrains assez étendue, qu’ils administrent ou exploitent à leur profit. Ces biens sont chargés de quelques services religieux, qui s’exonèrent encore.
Nous sommes dans l’impossibilité de donner des éclaircissements à ce sujet, parce que les archives de la commune sont fort pauvres. Quant à celles du hameau, lorsque l’un de nous, à qui jour avait été fixé, se présenta pour en prendre inspection, on trouva, dans l’école de Hèze, le petit coffre qui les contient, mais on ne put l’ouvrir, parce que la clef confiée à l’échevin présent à l’opération était complètement rouillée et hors de service, et que cet échevin se refusa à faire sauter la serrure.
Nous avons trouvé un seul compte ancien de la communauté de Hèze, celui de l’année 1779. Il est établi de la manière suivante : La majeure partie de cette dernière somme (957 fl. 7 s.) fut distribuée par parts égales (de 40 fl. 9 s. chacune) entre les 23 ménages du hameau, sauf qu’un autre chef de famille, qui n’y habitait que depuis deux ans, ne reçut que 26 fl. 18 s.
Une contestation s’étant élevée, au sujet des biens communaux de Hèze, entre les habitants de cette localité et ceux de Grez, le conseil de Brabant fut saisi de la question et promulgua, le 12 décembre 1783, un nouveau règlement, dont voici les principales dispositions : Le 22 décembre de cette année, le maire de Grez convoquera une assemblée de la communauté et y présidera, assisté de deux échevins et du greffier du bourg, les pères de famille et, à défaut du père, les mères de famille pourront seuls s’y présenter. On y élira deux députés administrateurs, qui devront être âgés de 25 ans au moins et être pères de famille, à moins que le père ne se porte caution pour son fils. Ils jouiront d’émoluments s’élevant, par an et pour chacun, à 18 florins. Le premier député restera en fonctions jusqu’au 1er mars 1785 et le second un an de plus. Chaque année, ou élira un nouveau député, de manière à ce qu’il y en ait toujours deux en fonctions. Cette organisation traversa les révolutions et les bouleversements politiques.
Les assemblées générales, comme le dit l’exposé de la situation de la commune pour 1839, « n’ont rien que d’ordinaire depuis que la révolution de 1830 nous a dotés d’élections populaires et de la publicité des comptes communaux ». Mais, antérieurement, la réunion, en plein air, de 93 chefs de ménage d’un hameau, choisissant librement leurs députés, examinant et débattant l’emploi de leurs revenus, et en fixant l’assiette pour l’avenir, dans un sens et sous des formes toutes démocratiques, offrait un spectacle aussi piquant que rare en son genre ». (cfr. Lien 1 - Entente des Cercles d’Histoire et d’Archéologie du Roman Pays)
Le Libel est défini comme un ensemble de “bois, terres et prairies” sis sous Grez-Doiceau, cadastré section C, parcelles n° : 477-570-476-573-458-456-278-277-478-482-486-487-488-489-520-817-837-849-440d-471b-474c-475d-815b-471d-472d-490b-474m-474n-815g-815k-491a-474e-472b-471c-474g-474h-474k-815d-815f-472c-474l-815l-830b-472e-815e-815h-830c. Total : 44 hectares, 47ares, 92 centiares. (cfr. Annexe 6 - Bail de chasse 2000 : descriptif parcellaire et plan) NB : Il convient d’y ajouter la parcelle 293g “Bruyère Caton”, non reprise dans le bail de chasse
Le Libel s’étend majoritairement de part et d’autre de la Rue de Longueville (limite Est), menant du bas de Hèze à Longueville (chapelle du Chêneau) – du sentier du Bois de Glabais (limite Ouest), qui part de la Rue du Résidal (captage d’eau) et mène à Bonlez (Fort des Voiles). Le bois dit “Fonds des Bruyères” est traversé par le sentier de la Citadelle. La Rue Gilles Dagneau et la Rue du Libel en forment la limite Nord. Le chemin des Bois Furaux menant de Longueville (chapelle du Chêneau) à Bonlez forme la limite Sud. Les parcelles n° 277-278 sont situées Rue Gilles Dagneau et Rue du Libel. La parcelle n°520 est située Rue Marguerite. La parcelle 293g, ou “Bruyère Caton” (place de Hèze, ancienne école) est délimitée par la rue Bruyère Caton et la rue Doyen.
Le Ry de Hèze prends ses sources dans les parcelles du Libel situées rue du Résidal. Neuf tumuli de faible hauteur, appelés « les tombeaux romains » étaient encore visibles dans les années 1900. Nivelés depuis ils étaient érigés au sud du Libel entre le bois dit « La Grande Bruyère » et le chemin du Bois Fureaux. (cfr. Annexe 3 - Ancien plan Section C)
Depuis sa constitution et par le fait même des privilèges accordés, le Libel a régulièrement fait l’objet de contestations ou de tentatives d’appropriation dans le chef des villages voisins. Plusieurs parcelles du Libel étant situées en zone d’habitat, suscitent toujours bien des convoitises. Chaque ménage ou “foyer” installé depuis cinq ans à Hèze touchait sa part annuelle des revenus du Libel (bois, fermages, chasses…). Ceux-ci représentaient encore en 1976 la somme non négligeable de 500 francs belges (± 12 €). (cfr. Nory Zette : “Grez-Doiceau à travers les âges”, Louvain 1933 – Jules Tarlier et Alphonse Wauters : “Histoire et Géographie des communes belges” - “Comité de Sauvegarde de Hèze” : Bulletin d’Information 1980 et Bilan 2021)
Le conflit le plus marquant, qui failli entraîner la disparition du Libel, opposa de 1978 à 1980, les habitants de Hèze à la commune de Grez-Doiceau et son Bourgmestre de l’époque Mr. Fernand Vanbéver.
Suite à la suppression des sections de communes en 1961 puis à la fusion de celles-ci en 1977, le Libel de Hèze passa sous administration de Grez-Doiceau qui s’en appropria les revenus qui ne furent plus jamais versés.
Ensuite, sous prétexte d’alléger la charge des dépenses occasionnées par la réfection des voiries de Hèze, le Collège Communal de Grez décida, sans délibération devant le Conseil communal, de lotir les parcelles du Libel n° 277-278-293-478-482 .
Devant le refus du Bourgmestre de reconnaître leurs droits acquis depuis 600 ans, les habitants de Hèze, regroupés en “Comité de Sauvegarde” introduisirent un recours devant le Conseil d’État. (cfr. Annexe 4 - Comité de Sauvegarde de Hèze : Bulletin d’Information 1980)
Dans un long argumentaire particulièrement bien documenté du
5 janvier 1979, l’Auditeur du Conseil d’État, Mr. Hoeffler, se
référant e.a. à un arrêt de la Cour de Cassation (16 mai 1974),
maintient intégralement les droits exercés par les
habitants de Hèze sur le Libel, dont il reconnaît l’existence
juridique en tant que “biens communaux”, inaliénables et
imprescriptibles.
Et conclut :
In Fine : Sur base du rapport de l’Auditeur, le Conseil d’État annulera (Arrêt 21 mars 1980) les décisions des 7 et 8 février 1978 par lesquelles le fonctionnaire délégué a accordé à la Commune de Grez-Doiceau les permis de lotir les biens cadastrés section C : N° 277-278-478-482-293g. (cfr. Annexe 2 - Arrêt Conseil d’État 1980)
Plus récemment, en 2020, un contentieux est né entre les
riverains de Hèze et la Commune au sujet de la gestion
déficiente de parcelles boisées du Libel situées en zone
d’habitat. (cfr. Annexe 5 - Comité de
Sauvegarde de Hèze : Bilan 2021)
(cfr. Lien 2 et 3 - Intervention citoyenne -
Procès-verbal Conseil communal de Grez-Doiceau 22/12/2020 et
29/06/2021)
Pour le Comité de Sauvegarde de Hèze :
Bernard Gobbe
(Rédacteur)